Témoignage d'artiste

Publié le par Les Refusés du Marché de la Création

 

CIMG6343Ma chère Martha, je comprends ta colère, ton écœurement, ta révolte, face à une situation où l’arbitraire et la subjectivité ne peuvent que jeter le doute sur les réelles compétences et motivations de ceux qui prennent des décisions dont l’impact peut être ravageur sur ceux qui sont refusés.

 

Ceci n’est pas l’apanage de la seule Commission du Marché de la Création, on est confronté en permanence à ce genre de décisions dans la vie de tous les jours, je pense aux entretiens d’embauche en particulier, qui sont des machines à démolir sereinement et sans scrupules des gens bourrés de bonne volonté et de savoir-faire évidents mais qui se heurtent à de jugements injustifiés et injustifiables.

 

C’est vrai que sur ce Marché, on compte sur les doigts des deux mains les exposants qui développent une vraie démarche artistique. C’est à dire une réelle et profonde expression de « Vision » humaine. Un partage d’âme et d’émotion.

 

Pour le reste, c’est un déballage de productions qui ne cherchent qu’à plaire à un public en recherche d’objets décoratifs, ludiques, « embellisseurs de cocon douillet ».

 

Certes, certains producteurs ont acquis des techniques élaborées et réellement maitrisées, travail d’orfèvre, parfois, mais on y trouve aussi de ce genre de travail « scolaire » comme on en rencontre dans les fêtes de village.

 

Il faut dire que le contexte culturel n’est pas là pour servir la qualité de « l’Acte Artistique ».

 

Comme on va au Théâtre pour se marrer et voir des pantalonnades débilisantes mais rigolotes, on vient au Marché de la Création pour trouver des « décos » sympas pour la chambre du petit ou pour faire chouette avec les nouveaux meubles du salon.

 

Le bon Peuple Français, sorti complètement acculturé des écoles de la République, n’ayant aucune idée de ce qu’est « l’Acte Artistique », confond souvent Exposition d’œuvres d’Art et Salon de la Décoration. Et les « Faiseurs de beau » jouent ce jeu-là, sachant bien que s’ils s’adonnaient à leur « Art » sans tenir compte des modes et des goûts naïfs de ce public, ils seraient condamnés à mourir de faim et de désespoir dans leur atelier.

 

Moi, qui suis dans l’écriture, je suis confronté en permanence à cette appétence du public pour la mièvrerie et le maquillage de la réalité du monde.

 

Tous les dimanches, on me demande si mes textes sont drôles, si «ça finit bien », s’il y a de gentilles petites histoires pour les enfants … Alors, quand je commence à raconter un peu leur contenu, avec les contrastes de rêves et de désespoir, de rires et de larmes, on me regarde avec de gros yeux effarés et on me laisse avec mes livres qui « racontent des choses tristes ».

 

Au vu des travaux des derniers arrivants sur le Marché, je ne suis pas sûr qu’il y ait désormais une forte volonté de promouvoir et d’encourager une véritable démarche artistique.

Le public ne risque pas d’être scandalisé par des œuvres dérangeantes !!! C’est dur, je sais bien, de survivre dans ce monde sans valeurs mobilisatrices. Nous vivons dans une société molle et repue, il lui faut de l’art mou et digeste. Aisément commercialisable, donc.

 

A ce propos, je ne comprends pas que soit retenu et défini comme « Artiste Professionnel » un individu pour le seul fait qu’il cotise régulièrement à la Maison des Artistes.

 

Cette distinction faite sur le Marché entre « Pros » et « Amateurs » induit une espèce de jugement de valeur implicite qui ne correspond pas à la pertinence intrinsèque des œuvres mais les entache d’une lumière amoindrissante en ce qui concerne celles des « amateurs ».

 

Les artistes au cœur de feu doivent se battre en permanence, c’est leur lot, c’est leur destin, et leur meilleure arme est leur travail dont ils sont les (presque) seuls défenseurs.

 

Travailler, travailler, encore et toujours, dépasser ses propres limites présumées, enfoncer des épines irritantes à la chair gélifiée d’un monde anesthésié, c’est la seule solution et, peut-être, la seule mission.

 

Et trouver des lieux de partage, il y en a, ou en créer, même dans l’éphémère, c’est l’intensité des instants vécus qui compte, pas leur longueur…

 

Travaille, Martha, travaille, et si tu dois te battre, veille à ne pas te laisser engloutir dans des luttes paralysantes ! Tes futures œuvres ont besoin de toute ton énergie, de toute ta passion.

 

Amicalement.

Denis

 

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Y
<br /> Denis,<br /> Je suis d'accord avec vous sur le contenu de votre lettre à Martha.<br /> Je dois préciser pour nos lecteurs qu'il y a deux Maisons des Artistes, une récolte les cotisations sociales pour le compte de la sécurité sociale.(association crée en 1952).<br /> L'autre est une simple association comme la MAPRA de Lyon.<br /> Être membre d'une ou des deux associations n'est pas une carte de visite,pas plus que l'école des Beaux-Arts ne "fait" des artistes.<br /> Il n'y a pas de diplôme d'artiste.<br /> Maintenand si nous payons nos cotisations,nous avons le droit d'exposer, c'est la moindre des chôses....<br /> Certains amateurs sont meilleurs que des professionels,le contraire aussi.<br /> J'ai trouvé la lettre de la mairie de Lyon insultante pour cette artiste.<br /> Cordialement.<br /> Yves Auguste<br /> Peintre<br /> <br /> <br />
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